Il est des endroits au monde que notre imaginaire rêvait d'explorer : le lac Baïkal en faisait partie et nous y voilà !

Nous sommes arrivés à Irkutsk lundi 19 avril. Mise en ambiance dès la sortie du train : - 2°C...

Nous nous installons dans une hostel dans le centre d'Irkutsk d'où nous organisons la semaine que nous avons à disposition.

Malgré sa circulation infernale et ses 600 000 habitants, Irkutsk est bien plus calme et moins impressionnante que Moscou. Les immeubles et les avenues sont de taille "normale". Chose étonnante et déroutante, ici bien que les gens roulent à droite, énormément de voitures ont le volant à droite, résultat de l'importation en masse de véhicules depuis le Japon pas si lointain. Il est particulièrement agréable d'y découvrir la belle mixité russe : caucasiens, mongoles et kazaks se côtoient joyeusement !




Nous avions prévu d'aller faire un tour sur les bords du lac Baïkal (environ 70 km d'Irkutsk) en tandem, mais le manager de l'hostel nous décourage : il n'y a que très peu de routes qui bordent le lac... Une autre éventualité s'offre à nous : aller passer quelques jours sur l'Ile d'Olkhone, à environ 200 km d'Irkutsk. Vendu ! Nous partons en minibus, le tandem sur le toit.

En avril cette année, le lac Baïkal est encore gelé. Le printemps aurait a priori 1 mois de retard par rapport à d'habitude ! Pour se rendre sur l'Ile d'Olkhone, il faut donc traverser la glace. Habituellement, cette traversée se fait en minibus, mais la glace n'étant plus assez épaisse à l'endroit le plus court pour rejoindre l'île, nous entamons une traversée à pied, avec 2 guides et la dizaine de personnes qui nous accompagnent.

Sensation extraordinaire de marcher sur ce lac mythique, au coeur d'un paysage magique ! Excitation toute particulière, ambiance bon enfant. Chacun prend des photos, flâne à droite à gauche, savoure la magie du moment...
Jusqu'à ce qu'un des Australiens qui nous accompagne passe à travers la glace et se retrouve les jambes  dans l'eau son sac à dos le retenant ! Plus de peur que de mal, il arrive à se sortir du trou avec l'aide d'un autre touriste. Nos guides commencent à changer de tête et nous avec, surtout lorsque la petite amie de l'Australien malchanceux se retrouve à son tour une jambe à travers la glace 5 minutes plus tard ! Le rêve tourne un peu au cauchemar : on est dans un mauvais film d'horreur !!

On a tous les deux imaginé le pire... Tomber dans un lac gelé fait partie de nos plus belles phobies... Nous sommes au milieu de la glace, à plus de 500 m de toute terre, sur le lac le plus profond du monde, poussant notre tandem beaucoup trop lourd...  L'ambiance bon enfant sortie d'école fait place au silence de mort...

Les guides resserrent les troupes, commencent à crier, et nous demandent cette fois de les suivre de près, dans leurs traces, tous en file indienne. Peut-être qu'ils auraient pu nous le dire avant... Les dernières centaines de mètres qui nous séparent de la terre ferme se font dans un silence total, personne ne dit un mot, concentré à poser ses pieds au bon endroit...

Nous avons finalement atteint le bord, soulagés de ne pas avoir testé la température de l'eau ! Nous serons a priori les derniers touristes à avoir traversé le lac à pied cette année !! Et pour l'heure, nous ne pensons pas encore à la manière dont nous devrons retraverser dans trois jours, nous profitons des paysages de l'ile !

Olkhone est une langue de terre de 70 km de long et d'une dizaine de large. L'Est (côté lac Baïkal) est principalement occupé par des forêts de résineux alors que l'Ouest (côté Mer de Maloe) est essentiellement composé de steppes. Les habitants de l'île sont d'ailleurs très fiers de nous présenter ce qu'ils appellent leur Mongolie à eux ! Il y a une ville principale, Khoujir, 1500 habitants, et une dizaine de villages dispersés. Je suppose qu'il faut être né là pour réussir à vivre dans cet environnement, certes magnifique, mais tellement rude !

Tandis que les touristes qui nous accompagnent s'installent dans une auberge, nous décidons de passer nos premières nuits sous la tente et c'est sans difficulté que nous trouvons des endroits magiques pour établir notre campement. Le plus difficile est d'éviter les couloirs de vent glacial... Ces nuits de bivouac ont été super mais un peu fraîches... Nous apprendrons plus tard que la température à 11 h du matin n'avait pas dépassé -4°C. On comprend mieux pourquoi nos visages gelés nous avaient réveillés pendant la nuit !

Le mercredi, nous décidons de partir en tandem à la decouverte du Nord de l'île. Motivés et sereins nous prenons la première piste que nous croisons. Quel bonheur de rouler au milieu de ces steppes sauvages ! C'est peut-être ça la liberté !?! Mais nos forces sont vite mises à rude épreuve. Les steppes herbeuses se transforment rapidement en étendues sableuses sur lesquels nous et nos 200 kg avons du mal à avancer. C'est tous les 100 m que nous nous ensablons, obligés de sortir le tandem, et de pousser ! Le dégel des terres étant tout récent, il reste pas mal de neige à certains endroits, ce qui rajoute un peu de challenge à tout ca ! Plus loin, ce sera finalement la boue qui aura raison de nos forces ! Résultat de la journée, 4h de selle, environ 15 km parcourus, et deux cyclistes épuisés !!

Nous serons donc moins ambitieux le lendemain et resterons sur la route principale, déjà bien assez accidentée et difficile ! Elle nous permet de découvrir les falaises plongeant dans le Baikal gelé, les pêcheurs d'Omoul (poisson typique du lac) au milieu de la glace, les totems chamaniques, et les villages aux allures de bidonvilles. La gestion des déchets sur cette ile (et dans beaucoup d'autres endroits de Russie que nous avons traversés) gâche un peu le plaisir des yeux. Aucune poubelle à disposition. On peut donc voir des cadavres de bouteilles de vodka absolument partout, et particulièrement au pied des sites sacrés chamaniques... Chaque peuple a ses priorités quant à la gestion de ses problèmes. Sur l'Ile d'Olkhone, survivre à l'hiver interminable et glacial passe avant le tri sélectif, et quelque part, on les comprend... 

L'organisation de notre retour à Irkutsk se fait difficilement, pas de transport public disponible, pas de place pour le tandem dans les véhicules qui rentrent, mais finalement, et comme nous commençons à en avoir l'habitude, quelques centaines de roubles supplémentaires nous permettent d'embarquer dans un camion, le tandem installé dans la benne arrière, avec les paquetages des autres touristes qui rentrent également, eux dans un minibus. 

La voie pédestre que nous avions empruntée à l'aller étant desormais impraticable, c'est en effet en camion que nous traversons cette fois le Baikal... Cette manière de faire est officiellement interdite à cette époque de l'année, mais les habitants de l'ile continuent à le faire, même si une voiture est tombée la semaine dernière, avec 4 passagers dedans, dont aucun ne s'en est sorti... Il faut absolument que nous rentrions à Irkutsk sans quoi nous ne pourrons pas avoir notre train pour Oulan-Bator... C'est donc avec beaucoup d'appréhension que nous montons dans le véhicule. Premier réflexe futile, regarder comment s'ouvrent les portières... Juste au cas où...

Le plus dur a été de ne pas penser où nous roulions pendant toute la durée de la traversée. Imaginer une couche de 40 cm de glace, nous dessus et 600 m d'eau glacée dessous nous aurait rendu fous !! La traversée a donc été particulièrement longue et stressante... Mais magique ! Facile à dire 2 jours après, les pieds sur la terre ferme... On a tous les deux eu envie de faire la bise à notre chauffeur, dès que les pneus ont touché le sable !

Ce passage sur l'Ile d'Olkhone a été magique et ressourcant après les 4 jours passés dans le transsibérien. Nous restons quand même un peu frustrés de ne pas avoir pu atteindre l'autre côté de l'île pour voir le grand Baikal. Nous serons donc obligés de revenir ! Mais peut-être à une autre saison moins rude !